Analyse de l'image
Préambule - Les éléments qu'il est possible de prendre en compte dans l'analyse de l'image sont multiples et extrêmement variés. Les propositions ci-après sont proposées un peu comme un pense-bête des possibilités et certainement pas comme une grille qui enfermerait l'observation dans une démarche figée.
Toute analyse d'image doit bien évidement être pensée en fonction des attentes espérées de ce travail.

Distinguer trois domaines...

A - Les contextes : tout ce qui n’est pas dans l’image mais qui contribue à sa perception, à son interprétation.

B - Le réel représenté : tout ce qui dans l’image appartient au réel représenté mais dont on ne perçoit que sa représenation (le référent).

C - Les choix énonciatifs : ce qui, dans l’image, dépend pour l’essentiel de l’acte de représentation et non du réel représenté.

Pour ensuite...

Interpréter : c’est-à-dire relier les différents éléments analysés entre eux et avec la subjectivité de la réception pour comprendre comment le sens se construit.

A - Les contextes

Trois contextes :

▸ Contexte de réalisation et de production

Quel auteur, quelle instance et mode de production,.. qui s’exprime à travers quel type d’image : l’annonceur, le publicitaire, le journaliste, le photographe, le réalisateur, l’individu,...
Quelle économie de la production, quel marché de la distribution... quels enjeux et motivations ont prévalu à la réalisation...

▸ Contexte de réception

Quels modes de diffusion, quels supports (presse, télévision, exposition, salle de cinéma, écrans d’ordinateur, tablette...), quels types de réception (individuelle, collective..) quels lieux, quel public, quelle durée d’exposition, quel moment de la réception, quel public concerné....

▸ Contexte social et culturel

Il s’agit ici de situer les contextes précédents dans un contexte plus large qui les englobe et qui dans les démarches d’analyse est souvent non-explicité.

Qu’est ce que le spectateur-lecteur partage avec les valeurs, langages, savoirs, représentations... des auteurs-énonciateurs. Dans quel contexte économico-culturel les relations entre auteur, image et spectateur se produisent. Etc.

B - Le réel représenté

▸ Qu'est-ce que nous percevons, nous connaissons, nous imaginons, ... du réel ou du réel recomposé

éléments visuels appartenant ou prélevés dans la réalité,
éléments visuels reconstitués, joués,
recompositions, trucages, (visibles, perceptibles, imperceptibles mais supposés...)

▸ Quels savoirs sur ce réel représenté : historique, géographique, économique, socioculturel....

▸ Quelles limites entre un réel familier, quotidien... un réel non-imaginaire mais inaccessible à notre entendement et un réel imaginaire ou imaginé...

▸ Quelles expériences vécues ou fantasmées dans ce réel.

▸ Etc

C - Les choix énonciatifs

Mettre à jour le travail de Représentation proprement dit : Qu'est-ce que nous voyons, nous percevons, nous comprenons... des choix faits par l’auteur-réalisateur-énonciateur.

1 - Choix énonciatifs en amont de la prise de vue

▸ Choix et organisation des différents éléments visuels entrant dans l’image

éléments fixes : décors, lieux, paysages, ambiances, climats, ....
éléments mobiles: véhicules, animaux, meubles, fluides....

▸ Personnages : sexes, âges, caractéristiques ethniques, culturelles, catégories sociales, tenues vestimentaires, style lié à une époque, un groupe social, démarche, allure...

▸ Jeux des personnages :

expression du regard, faciale, gestuelle...
déplacements, entrées, sorties...
autres éléments visuels (costumes, accessoires...)

▸ Caractéristiques physiques du visuel :

éclairage, couleurs (dominante, saturation...)...
formes (textures, contours, lignes, structure...)

▸ Le temps représenté (instant précis ou non, date....)

2 - Choix énonciatifs liés à la prise de vue

▸ Lumière (direction, intensité, contraste, température de couleur...)

lumière naturelle (choix du moment de la prise de vue, de l'emplacement)
lumière additionnelle

▸ Netteté, profondeur de champ

▸ Perspective (la perspective comme convention de représentation)

place du point de fuite principal, secondaire
place du regard du spectateur – jeux et ruptures de perspectives
la profondeur représentée

▸ Choix du cadrage (délimitation du visible)

monté (champ), (ici voir chapitre sur la perspective)
suggéré (hors-champ)
      • hors-champ proche ()
      • hors champ lointain (ailleurs)

▸ Type de monstration (quel est le statut de l’appareil de prise de vue par rapport au “récit visuel“ (la diégèse) :

interne : la caméra montre ce que voit un personnage de l’histoire (caméra subjective)
externe : la caméra est hors de l’histoire représentée

▸ Taille du plan (échelle des plans) : La taille du plan détermine le rapport entre la figure principale (ce qui domine dans l'image) et le fond (éléments secondaires de situation).

▸ Angle de prise de vue

dans la verticalité : plongée - contre plongée
dans l’horizontalité : face, profil, 3/4, dos....

▸ Mouvements

suggérés : flou, décadrage, défaut d’horizontalité...
représentés


3 - Choix énonciatifs postérieurs à la prise de vue

▸ Découpage de l’image, incrustation, images dans l’image

▸ Les textes, inscriptions, légendes...

mode : assertif, sentencieux, dubitatif, incertain... neutralité, ironie... .
rapport entre le(s) texte(s) et l'image : .
  amplification, complémentarité, contrepoint, opposition

▸ Les autres éléments visuels environnants :

graphiques : mise en page, encadrement....
autres images (amplification, complémentarité, contrepoint, opposition)
contextuels proches : type de magazine, de lieu de diffusion....


4 - Références à un style, un genre, des modes, une tonalité...

▸ Les figures et formes symboliques, stéréotypiques, stylistiques...

▸ Quel genre expressif.

▸ A quelle histoire iconologique l'image renvoie-t-elle ?

▸ Qu’est-ce qui dans les formes peut être relié à une époque ?

▸ Qu’est-ce qui dans l’image s’apparente à des formes expressives qui traversent l’histoire des représentations ?

▸ Les références à d’autres images (du moment, du même référent...)

▸ Les “citations“ visuelles..., les références de styles, de ton...

▸ L’emprunt à des figures de rhétorique : allégorie, aphorisme, ellipse, euphémisme, hyperbole, litote, métaphore, métonymie, paradoxe, synecdoque...

5 - Le(s) temps dans l'image

▸ Les temps perceptibles explicites ou implicites, suggérés, construits...

(Dissocier les éléments constituant le temps : instant, moment, durée, date,...)

image atemporelle ou non
l’instant figé (la trace, l’indice, de ce qui a été et qui ne sera plus)
temps et date de l’événement, de l'histoire, de la scène
temps et date de la réalisation
temps et date de la diffusion


6 - Le point de vue dans l'image

▸ Quelles relations entre les différents “points de vue“ :

Le point de vue visuel : le point d’où je vois
Le point de vue identitaire : le point d’où je m’exprime
Le point de vue idéologique : le point d’où je pense


Cas particulier du film

(images en mouvement, images en séquence...)

7 - Les mouvements

▸ Les mouvements de base

Internes au représentés
      • ce qui est en mouvement (sujet principal /sujets secondaires)
      • type de mouvement : dynamique /“statique“ (demeurant l’intérieur du cadre)
      • direction du mouvement
      • visibilité (apparent / non-apparent)
De la caméra
      • travelling
      • panoramique
      • zoom
      • combinés

▸ Les mouvements associés (dans un même plan)

Type d'association : accompagnement ; amplification ; contrepoint ; opposition
Place du mouvement dans l'espace du récit

▸ Les mouvements modifiés (au montage)

intervention sur la durée (ralenti, accéléré...)
intervention sur la forme (saccade, répétition, découpe...)

▸ Les mouvements construits (par le montage)

la continuité du mouvement (interne)
le raccord de mouvements externes
type de mouvement construit
      • le mouvement "absent" ou "induit"
       (mouvement non visible dans le plan mais compréhensible par le contexte )
      • le mouvement elliptique (construit sur l'absence)
      • le mouvement global ou rythme...

8 - Le montage

▸ Pourquoi la coupe

dialectique continuité/rupture

▸ Rapports entre deux plans

rapports d'espace
rapports de temps

▸ Marque du changement et types de raccords

discret
      • raccords dits "dans le mouvement"
      .• raccords dits "dans l'espace"
      • dissous
souligné
      • volets, rideaux, effets de régie....
      • fragmentation, fracture soulignée, fracture brisée…



9 - La structure filmique

▸ Le montage filmique

structure : les séquences (relations entre les plans) ; les parties
(relations entre les séquences) ; le film (relations entre les parties)
points caractéristiques
      • points culminants, passage d’une séquence à l’autre, etc.
ponctuation visuelle et sonore, rythmes...

▸ La structure narrative

structure du récit
récit minimal : (équilibre -> déséquilibre -> rééquilibre)
ou : exposition, conflit, résolution
Autres structures
      • La mise en place de l'histoire, des personnages, des lieux etc.
      • le fil conducteur
      • les temps forts
      • les “coups de théâtre“
      • la chute (ouverte, fermée..)
Polarisation (qui détient le savoir de l’histoire)
      • énonciateur (ou narrateur)
      • personnages du film
      • spectateurs

▸ Les valeurs en jeu (le méta-message)

Idéologie explicite, implicite,
Valeurs "en creux"...


Interpréter

Interpréter, c’est essayer de relier tous les éléments signifiants observés avec la subjectivité, la compréhension et les impressions ressenties lors de la réception sans vouloir attribuer a priori une signification particulière à chaque signe mais au contraire en essayant de mettre à jour les dialectiques qui entrent en jeu dans la construction de ces significations.

Pas d’interprétation “descendante” ou “officielle” qui s’énoncerait sous un rapport d’autorité, mais au contraire, nécessité de prendre en compte les subjectivités, les sensibilités, les cultures, les représentations, ... des pratiques spectatorielles.

Méthode : procéder par suppression, substitution ou transposition. Si tel élément visuel était absent, modifié, placé ailleurs... qu’est-ce que j’aurais perçu, compris, ressenti...

Suppression, substitution ou transposition peuvent être conduites de façon abstraite ou réelle : jeux de découpages, de caches, de re-montages, de détournements....

Remarques

▸ Il n’est pas toujours opportun d'utiliser le vocabulaire propre à la sémiologie (dénotation/ connotation, signifiant/signifié, monosémie/polysémie, etc). L’important reste la démarche et, si les mots spécifiques sont parfois utiles, on constate que dans bien des démarches ils sont utilisés comme une fin en soi. Le risque est alors la réduction qu’ils opèrent comme si un mot-clé devenu passe-partout suffisait pour entrer dans toutes les significations.

▸ Tous les éléments proposés ci-dessus ne constituent pas une liste exhaustive des observations possibles. Ils sont là à titre d’exemple, de guide de la réflexion. Par ailleurs, il n’existe pas de grille d’analyse toute faite, valable en tous lieux et en toutes circonstances.

Une grille d’analyse est toujours une construction unique, faite à un moment donné pour un objet précis et un objectif déterminé.

La construction d'une grille analyse adaptée représente en elle-même une démarche d’éducation à l’image.








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