ROUILLE André, La photographie - Entre document et art contemporain, Gallimard, 2005.

" Philosophe et maître de conférences à l'Université Paris VIII, André Rouillé a hésité à intituler son dernier
ouvrage La photographie à l'endroit. Voilà qui en dit long sur l'ambition de l'auteur.
En rupture avec ses pairs des années 1970-1980, André Rouillé se propose de repenser la photographie. Il part d'un constat : au XIX siècle, la photographie n'est qu'un outil au service de la société industrielle ; aujourd'hui, les photographies, exposées dans les musées, sont contemplées pour elles-mêmes. Ce sont les enjeux de cette évolution qu'André Rouillé s'attache à décrypter.
Ce faisant, il attaque les notions d'empreinte, d'indice ou de trace ainsi que le fameux «ça a été» de Roland Barthes. Certes, le principe technique de la photographie (l'action de la lumière - traces ou empreintes lumineuses - sur les sels d'argent) donne du poids à ce type de discours, mais la photographie, rétorque André Rouillé, n'est pas seulement enregistrement de la réalité, mais aussi production d'une réalité. Ce passage de la «photographie-document» à la «photographie-expression» met en exergue la subjectivité du photographe-auteur. Mais qui est-il ? Artiste ou photographe ? André Rouillé distingue la «photographie des photographes» de la «photographie des artiste», «en tous points différente;», précise-t-il. Problématiques, formes de production, lieux d'expositions, réseaux... tout sépare ces deux univers. Les artistes considèrent la photographie comme un matériau : à modeler, à façonner, à retoucher. Ce nouvel art dans l'art, cet «art-photographie», se joue des certitudes d'hier et ouvre de nouvelles voies d'exploration.
Par les multiples pistes de réflexions qu'elle invite à poursuivre, cette très vaste étude (705 pages) a déjà l'étoffe d'un livre incontournable.
Rym Nassef

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